Le chapitre 5 concentre un certain nombre de résultats sur un modèle qui met en jeu une couche récurrente similaire à celle du modèle à un population, et une couche primaire qui sert d'interface entre les signaux d'entrée et le régime dynamique de la couche récurrente (appelée couche dynamique). Dans ce cadre, l'apprentissage est effectué en présence d'un signal externe binaire spatio-temporel périodique. La reconnaissance se fonde sur la capacité à reconstruire le signal appris : lorsque le signal est bien reconstruit, on dit qu'il est reconnu. Il y a donc une différence importante avec la définition de la reconnaissance donnée au chapitre précédent. La notion de reconnaissance était alors associée à une réduction de la complexité de la dynamique. On peut néanmoins remarquer que cette simplification de la dynamique vers des régimes périodiques est nécessaire pour reconstruire correctement une séquence périodique.
Il apparaît que le système peut, après apprentissage, reconstruire le signal d'origine au niveau de son signal retour (le signal qui se projette de la couche dynamique vers la couche primaire), à partir d'éléments partiels ou bruités du signal d'origine. Les performances sont très bonnes, à la fois pour la reconnaisance de motifs très dégradés (25% du motif d'origine ``noyé'' au milieu d'un bruit quatre fois plus important) et pour la restitution de séquences temporelles ambiguës (nécessitant de mémoriser plusieurs états passés pour déterminer l'état courant). Ces bonnes performances montrent qu'il existe de façon latente une représentation de ce signal, issue de l'apprentissage. Cette représentation s'active lorsqu'un signal possédant certaines caractéristiques du signal appris est présenté sur la couche primaire.
En contrepartie de ces bonnes performances, le système est capable de se couper de ses entrées lorsque l'apprentissage est poussé trop loin. Dans ce cas, le système évoque indéfiniment la séquence apprise en boucle interne sans prendre en compte ses entrées, tout au moins tant que le signal conditionnant est maintenu. Selon les caractéristiques du signal à apprendre, on a mesuré par simulations intensives la durée d'apprentissage optimale moyenne. Cette durée critique marque le moment où la dynamique interne tend à prendre le pas sur le signal externe. C'est en effet au moment où le système fonde sa réponse à la fois sur les caractéristiques de la dynamique interne et celles du signal externe que les performances sont les meilleures.
Ces mesures de durée optimale d'apprentissage permettent aussi d'apprécier la capacité de nos réseaux, en regardant la qualité de la réponse pour la durée optimale d'apprentissage. On constate en particulier que les performances chutent lorsque les séquences à apprendre ont une période supérieure à huit ou dix. Il semble en fait que le système soit plus performant pour reconnaître plusieurs séquences périodiques courtes que pour reconnaître une seule séquence dont la période est très longue. Lorsque l'on associe à chaque séquence apprise un motif conditionnant différent, une couche dynamique de 200 neurones peut reconnaître une dizaine de séquences différentes, ambiguës ou non, et bien sûr de multiples versions tronquées et/ou bruitées de ces séquences.
L'intérêt cognitif d'un tel modèle repose sur les interactions entre le signal imposé et le signal interne à la couche dynamique. En particulier, on a montré que la couche dynamique ne se comporte pas comme un simple générateur de bruit, mais qu'au contraire les caractéristiques de la dynamique interne sont fondamentales pour reconstruire le signal qui a été appris. Le rôle de la couche dynamique a été mis en évidence de plusieurs manières. En premier lieu, on a montré que l'organisation spatio-temporelle de la couche dynamique (le circuit d'activation) intervient de façon importante dans la recontruction du signal appris. En particulier, une modification forcée de cette organisation interne (changement de motif conditionnant) réduit fortement la qualité de la reconstruction. En second lieu, l'apprentissage de signaux périodiques différents en association avec des motifs statiques conditionnants permet de produire pour chaque motif conditionnant un comportement dynamique conforme au signal appris. Dans ce cas, la dynamique interne reconstruit le signal appris sans apport extérieur autre que le motif statique. Enfin, l'illustration la plus frappante de l'intervention de la dynamique interne sur la réponse du réseau apparaît lorsqu'un conflit existe entre le signal mis en entrée et la dynamique interne. Dans le cas d'un décalage de phase entre le signal partiel mis en entrée et le signal produit par la dynamique interne, l'adaptation à cette entrée non conforme met un certain temps (plus de 10 pas de temps). Durant cette période transitoire, le système ``hésite'' entre le signal qu'il souhaite voir sur l'entrée d'après sa dynamique interne et celui qui se trouve réellement sur cette entrée.
Le système testé par simulations a été utilisé pour une application de repérage sur un robot mobile. Le robot apprend une succession périodique de mouvements associée à des vues de son environnement. Cette application a permis de mettre en évidence un comportement nouveau. Pour des raisons de frottements mécaniques, le robot tend à produire un mouvement qui se décale progressivement par rapport aux entrées visuelles qu'il a apprises. Lorsque le conflit devient trop grand entre ce qui est vu et les mouvements produits, il y a un changement qualitatif de comportement : le robot se met à produire des mouvements apériodiques, jusqu'à ce qu'il parvienne à se caler sur une entrée visuelle conforme à ce qu'il a appris, et produire à nouveau un mouvement périodique. Ce changement de comportement dynamique montre là encore le rôle du régime dynamique interne qui produit un mouvement régulier lorsque l'environnement est en cohérence avec la séquence de mouvements, et produit un mouvement irrégulier dans le cas contraire.