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Adopter le point de vue interne consiste à se mettre, en tant que
modélisateur, « dans la
peau » de l'agent9. L'environnement est vu comme une source de signaux,
d'informations. Il n'est pas modélisé en tant que tel10. Dans ce cadre, une analogie formelle est faite
entre le corps d'un agent et un système dynamique. La peau et les
organes sensoriels constituent la « frontière » entre l'intérieur et
l'extérieur, le métabolisme est assimilé aux états internes, les sens
fournissent un signal qui vient « forcer » le système, etc...
Cette approche permet de
mettre en avant la notion de déterminisme interne et de clôture
opérationnelle, cruciale pour la compréhension des processus cognitifs
[Varela, Thomson RoschVarela
1993]. En effet, voir l'agent comme un système dynamique, c'est
donner la primauté à la « loi interne », c'est considérer les
signaux comme étant des perturbations de la dynamique interne, et les
actions comme étant des déformations du corps de
l'agent. Ce point de vue
nous éloigne donc autant que possible d'un agent
« fonctionnel », c'est à dire dont les actions sont déterminées
par une fonction imposée de l'extérieur (comme peut l'être un
aspirateur).
Considérer un agent comme un système agissant essentiellement selon
une loi interne nous donne un prémisse de ce que peut être une action
orientée par un but propre.
Cette description formelle d'un agent en tant que système dynamique
forcé masque cependant la difficulté qu'il y a à décrire effectivement
le système dynamique qui modélise l'agent.
La complexité et le nombre de degrés de liberté du corps d'un agent est
en effet sans commune mesure
avec ceux des systèmes physiques.
Même si formellement nous voyons l'agent comme un système dynamique,
il est difficile de produire ex nihilo un
modèle d'agent un tant soit peu évolué
sous forme d'un jeu d'équations non-linéaires
couplées... La démarche de modélisation va donc consister à faire le
choix d'un système dynamique générique, a priori à grand nombre de
degrés de liberté, relié à son environnement par des capteurs, sans
que l'on fasse d'hypothèse précise sur le type de connaissances que
véhiculent ces capteurs, et par des actionneurs qui produisent des
mouvements sur l'environnement sans que l'agent en « connaisse » le
mode d'emploi. Par analogie avec le déterminisme génétique des
systèmes biologiques, il peut
exister dès la conception des voies réflexes, automatiques, conduisant
à des actions prédéterminées, et assurant des chances de survie
minimales, mais l'agent, en tant
que système dynamique, n'a pas de connaissance
a priori sur son environnement. Un tel agent possède bien une loi
interne, mais celle ci est « sans but ».
C'est dans ce cadre qu'interviennent des processus adaptatifs capables
de modifier et façonner le système de manière à le rendre viable, compatible,
avec son environnement. C'est à l'aide de ces processus, dont un
certain nombre seront décrits dans cet ouvrage, que la loi interne,
« désorientée », devient progressivement orientée vers la résolution de
tâches en accord avec les besoins de l'agent. Du fait de nos limites
en tant que concepteur, nous devons faire
confiance à un tel processus au cours duquel l'agent « puise » dans
son environnement des éléments de connaissance qui le structurent. La
structure ne vient donc pas du concepteur, elle vient de
l'environnement.
On voit au passage que :
- parler d'un processus d'adaptation, c'est
décrire une deuxième dynamique qui se superpose à la dynamique
initiale. La dynamique adaptative est une dynamique « lente » par
rapport à la dynamique propre du système. C'est une dynamique qui fait
évoluer doucement les paramètres du système. Cette dynamique n'implique
pas seulement l'agent mais également son environnement : les stimuli
de l'environnement s'impriment sur l'agent, entrent progressivement
dans la « composition » de l'agent.
- modifier les paramètres du système peut également signifier modifier
la nature du régime dynamique interne. On peut ainsi observer dans des
systèmes artificiels [Daucé, Quoy, Cessac, Doyon
SamuelidesDaucé 1998] ou naturels bien connus [Skarda FreemanSkarda
Freeman1987] des
transitions de phase qui sont
caractéristiques d'un processus d'apprentissage en cours.
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Dauce Emmanuel
2003-04-02