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Nous avons vu dans la section précédente que la dynamique interne d'un
agent est influencée par son environnement, et que la loi interne de
l'agent est façonnée
par son environnement.
Le revers de la médaille est que, réciproquement, l'environnement est
façonné par l'agent.
Lorsqu'on a une telle situation de co-dépendance, on dit que l'agent
et l'environnement
sont dans un rapport dynamique, autrement dit qu'on peut modéliser
l'ensemble agent+environnement comme un seul système dynamique.
Cette co-dépendance conduit à une co-évolution de
l'agent et de son
environnement au cours du processus d'interaction (l'agent
individuellement ou l'environnement individuellement n'évolueraient
pas de la même manière sans ce couplage).
La présentation, même sommaire, des systèmes dynamiques, dans la
section précédente, a montré qu'au sein d'un système non linéaire, de
petits facteurs peuvent avoir de grandes conséquences. Ainsi,
modéliser un même agent dans un environnement indépendant (au sein
duquel, par exemple, les ressources sont en quantité infinie)
ou dans un
environnement co-dépendant (au sein duquel l'évolution des ressources
est sujette à une loi propre) ne conduira pas à terme aux mêmes
stratégies de survie. De même, mettre un prédateur en présence de
proies aux stratégies figées ou de proies aux stratégies évolutives ne
conduit pas à terme aux mêmes comportements de chasse.
Ainsi, une bonne
analyse d'un processus cognitif en cours chez un agent (lors d'une interaction
sociale, un affrontement, un dialogue), nécessite de « prendre du
large », d'élargir le champ, et de ne pas séparer les processus
psychiques individuels du processus d'interaction global, autrement dit
de considérer un seul processus englobant plutôt que de considérer plusieurs
processus individuels. On pourra dans certains cas parler d'un « attracteur
comportemental » qui met en jeu plusieurs agents dans la résolution
d'une tâche collective.
Cette extension de l'approche dynamique à une société d'agents
pose bien sûr quelques difficultés. Le problème essentiel est que
le système global est fortement hétérogène ; le système global est
composé d'« îlots », les agents, au sein desquels les variables
d'état sont fortement couplées, et d'un ensemble de couplages
faibles entre ces agents co-évoluant. Le système global a un
nombre de degrés de liberté très important, qui décourage
l'analyse. Néanmoins, l'observation des comportements des sociétés
d'agents naturels ou artificiels montre que dans certaines
situations, le système global est drastiquement simple, peut être
décrit par quelques équations, comme si les agents « renonçaient
à leur liberté » pour adopter des comportements plus
élémentaires. Chacun connaît l'exemple des lucioles ou des cigales
capables d'osciller de concert, les chaînes de fourmis, le vol des
oiseaux migrateurs... L'exemple le plus simple d'une réduction
apparente du nombre de degrés de liberté est donné par Huygens :
lorsque deux horloges à balancier sont dans une même pièce, elles
finissent par battre de façon synchronisée. Autrement dit, le
système à 4 degrés de liberté (pour chaque pendule : angle et
vitesse
angulaire), formé par les deux pendules, tend à former un système à
deux
degrés de liberté. On parle dans ce cas de résonance entre les deux
pendules.
Pour revenir aux sociétés d'agents, « entrer en résonance » reviendrait à
synchroniser les actions individuelles conformément à la tâche
commune en cours. Cela ne signifie pas que les agents font tous la
même chose, mais, qu'à leur poste donné, ils accomplissent une tâche
élémentaire, un peu comme des ouvriers sur une chaîne de montage.
On se retrouve dans une situation où les couplages entre agents sont
forts, et où les potentialités dynamiques internes aux agents
sont en quelque sorte inhibées. Le nombre de
degrés de libertés apparent du système est beaucoup plus faible
que ce qu'il devrait être.
Lorsque les agents renoncent, provisoirement, à leur autonomie pour
adopter un comportement d'ensemble, on parle de couplage
dynamique entre agents.
Ainsi, pour analyser ou modéliser une situation
d'interaction complexe, on est autorisé à fonder
l'analyse sur la dynamique de la tâche elle-même, sans
prendre en compte dans
le détail tous les aspects de la dynamique propre des agents.
Lorsque la tâche contraint ainsi les agents, on dit que le global agit
sur le local.
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Dauce Emmanuel
2003-04-02